Reprise et réactualisation d’un article paru dans le bulletin de l’ASAD en juin 2016.
Est-il encore utile,
ici, dans ce blog, de rappeler l’intérêt sanitaire de remplacer chaque année au
moins deux cadres de vieilles cires par ruche ? Le remplacement des cires
se faisant au printemps. Il est encore temps de le faire. Mais en fait, ce
n’est pas uniquement de cela dont je veux vous parler aujourd’hui, mais d’un
sujet proche, d’une technique que j’ai adoptée il y a maintenant plus de dix
ans, et qui suscite aujourd’hui de plus en plus d’intérêt ou du moins d’interrogation.
Il s’agit du
renouvellement des cadres sans aucun intrant en cire gaufrée (donc refondue),
c’est-à-dire en ne redonnant aux abeilles que des cadres filés, sans feuille de
cire gaufrée.
Quel intérêt ?
L’invention de la
cire gaufrée a été présentée, dans son temps, comme une avancée considérable
dans l’économie de l’apiculture moderne. En effet, faire gagner, dans la
construction des cadres, du temps aux abeilles pour lesquelles le temps n’est
pas de l’argent mais du miel, c’était au final leur faire gagner du miel et
donc de l’argent à l’apiculteur. Surtout à une époque où la valeur économique
de la cire avait beaucoup perdu. On dit souvent qu’il faut que les abeilles consomment
10 kilos de miel pour produire le kilo de cire constituant les 10 cadres de la
ruche. Soit ! Mais comme vous ne remplacez que 2, voire 3 cadres par an,
êtes-vous vraiment à 3 kilos prêts en échange d’une colonie saine et non-essaimeuse ?
D’autant que, pour ma part, je doute que ces proportions soient vraiment exactes…
Ensuite, nous savons
maintenant que, comme une éponge, la cire absorbe les polluants de
l’environnement, qu’ils soient atmosphériques, qu’ils soient issus par
migration des matières entreposées dans les cellules (pollens principalement),
mais aussi les produits vétérinaires, molécules synthétiques bien
indispensables, mais dont même ceux autorisés par l’apiculture biologique n’ont
rien de naturel, hélas ! Or, qui dit absorption dit aussi rediffusion tout
au long de l’année dans le corps de ruche, là où se trouvent couvain et
réserves de nourriture pour le couvain. Là où vit la reine pendant
éventuellement plusieurs années. La refonte des cires, même si elle est
semble-t-il de mieux en mieux maîtrisée par certains ciriers, concentre d’année
en année ces résidus indésirables dans les feuilles de cire gaufrée redonnées
aux abeilles. L’ASAD44, me direz-vous propose de gaufrer vous-même vos feuilles,
à partir de votre propre cire d’opercule. C’est une excellente solution, mais qui
ne répond néanmoins pas entièrement, selon mon expérience, au problème
principal.
Enfin je reste
persuadé, qu’outre l’aspect sanitaire que j’ai abordé plus haut, l’introduction
de feuilles gaufrées et leur « étirage » par les ouvrières entraîne
un problème de déséquilibre dans la colonie. En effet, toute la nouvelle
génération des anciennes nourrices qui passent au stade suivant de cirières
(avant de devenir gardiennes puis butineuses) se retrouvent quasiment au
chômage économique. La colonie n’a pas besoin d’elles ! La colonie n’a
alors que deux choix face à ce déséquilibre : soit essaimer, c’est-à-dire
préparer un essaimage, soit accélérer le reclassement vers le stade suivant, ce
qui ne fait souvent que retarder le même processus. On sait bien que la
propension à l’essaimage vient souvent d’un déséquilibre entre les castes au
sein de la colonie.
Il semble également
que de laisser les abeilles construire comme bon leur semble leurs rayons, ce
qu’elles ont parfaitement su faire sans notre aide depuis la nuit des temps,
leur donne la possibilité de favoriser la construction de cellules de mâles
dont le rôle, contrairement à ce qu’on a longtemps dit, serait favorable au bon
équilibre des colonies, et même à leur productivité ! Oui, on n’a pas
encore tout découvert sur le rôle des mâles, considérés à tort comme des bons à
rien, sauf pour la bagatelle. Si les abeilles les élèvent et les acceptent
pendant un temps, quand bien même elles semblent ne pas en avoir besoin, ce n’est
certainement pas sans idée derrière la tête.
Donner à construire,
occuper les abeilles, reviendrait donc à garantir une meilleure harmonie
naturelle entre les différents organes de ce grand corps qu’est la colonie. Attention,
je n’ai pas dit que mes colonies n’essaiment pas ! Mais il me semble bien
qu’elles ont moins cette tendance en comparaison avec les collègues. Bien
entendu, construire demandera peut-être un peu plus de temps, demandera sans
doute un peu miel, mais si vous les faites construire au bon moment, sur la
miellée de printemps, et qu’elles vous récompensent par l’absence d’essaimage,
je vous garantis que tout le monde y sera gagnant…
Maintenant, comment
procéder ?
A mes débuts, j’avais
peur que les abeilles ne sachent pas où et comment construire leurs rayons sur
les cadres nus. Je soudais donc une amorce dans la rainure du haut du cadre.
Mais je me suis ensuite aperçu que les abeilles savaient très bien s’en passer.
En plus de dix années de pratique, je n’ai connu qu’un seul essaim, cette
année, qui se soit mis à construire en dehors des clous… Par contre, comme je n’utilisais
pas de fil, j’ai eu plusieurs accidents de rayons qui se cassaient lors du
transport des ruchettes ou dans la manipulation, les abeilles ne soudant pas
les côtés aux cadres la première année. L’utilisation des fils me permet donc
de consolider la fragile construction de cire fraîche.
Pour les cadres de
corps, il suffit d’introduire des cadres filés d’un simple aller et retour en Z.
Mais les cadres filés de manière classique, que ce soir verticalement ou
horizontalement conviennent également. Mais attention !!! Au moment de
l’introduction, assurez-vous impérativement que votre ruche est et restera bien
de niveau entre sa gauche et sa droite ! Car les abeilles construiront irrémédiablement
la brèche verticalement, en soudant le bas de la construction sur la paroi ou
sur le cadre voisin. Un nouvel outil sera donc indispensable dans votre caisse,
le niveau !
En ce qui concerne
les cadres de hausse, inutile de passer du fil. Pensez néanmoins à recontrôler avec
le niveau au moment de la pose des hausses, le sol ayant parfois la fâcheuse tendance
à bouger. Des petites cales de bois de différentes épaisseurs font aussi partie
de ma panoplie apicole. Pour faciliter la montée dans les hausses, mélangez les
cadres à raison d’un cadre construit pour un cadre d’amorce. Car bien sûr, vous
allez récupérer et réutiliser les cadres après extraction, jusqu’à ce qu’ils
soient finalement bons pour la réforme, tout comme vous le faisiez auparavant.
Attention toutefois à l’extraction ! Commencez doucement la rotation de
l’extracteur afin d’éviter la casse. Là aussi, c’est un tour de main à prendre.
Pour les cadres mal construits ou fragilisés, il vaut mieux les casser
directement dans le bac à désoperculer.
Autre avantage des
cadres de hausse sans fil, vous pourrez très facilement découper des rayons de
miel à la cire vierge. Il se vend des petites boîtes spéciales qui permettent
une très jolie présentation. C’est de plus en plus recherché, et le prix de
vente (au kilo, il faut bien entendu peser chaque boîte) est très intéressant.
Et votre cire ?
Vous pourrez toujours la revendre au cirier. Ou fabriquer des bougies. Pensez à
prévoir des occupations en cas de nouveau confinement…
Luc Gouverneur
Bel article. Je pense que je vais essayer
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