mercredi 15 mai 2019

Est-ce que des larves gloutonnes pourraient libérer notre monde du plastique ?


Article du bulletin de l’ASAD44 de septembre 2017.

         Depuis longtemps la communauté scientifique recherche une manière d’éliminer les nombreux sacs plastiques que les humains continuent de jeter, polluant mers et océans de toute la planète. Une solution efficace semble bien avoir été trouvée fortuitement par une chercheuse italienne, Federica Bertocchini, du centre de recherche national espagnol. Selon elle, il serait possible d’exploiter une chenille bien spécifique qui se trouve être très friande de plastique, matière qui pour les autres animaux est en général indigeste sinon mortelle.

         La scientifique s’est intéressée principalement à la larve de Galleria mellonella, communément nommée « fausse teigne de la cire » du fait de son attirance pour la cire des abeilles. Spécialiste de biologie moléculaire, elle constata que pour la larve concernée, le plastique également était une nourriture. « Je m’occupe habituellement d’évolution biologique : j’étudie donc les embryons. Je dois avouer que la découverte de la chenille qui mange le plastique est due au pur hasard. J’ai comme hobby l’apiculture et ai aussi l’habitude, en hiver, de conserver les ruches vides dans ma maison. Lorsque l’an dernier je les ai sorties, au début du printemps, je me suis aperçue qu’elles étaient pleines de petites chenilles. Je les ai donc bien nettoyées en ramassant les bestioles ensemble dans un petit sac en plastique. Mais après seulement quelques heures, surprise, celui-ci était plein de trous, et les larves avaient déjà toutes disparu », explique Federica Bertocchini.  Son étude sur le sujet a été publiée dans la revue spécialisée Current Biology, en collaboration avec Paolo Bombelli et Chris Howe, tous deux biochimistes à l’université de Cambridge.   

         Federica Bertocchini rencontra Paolo Bombelli lorsqu’ils étaient tous deux responsables de recherches à l’University College de Londres. Ils partageaient un intérêt pour la dégradation biologique des substances polluantes, surtout le plastique, particulièrement nocif pour les animaux mais en même temps irremplaçable dans plusieurs secteurs tels que la biomédecine, l’électronique et l’industrie alimentaire. Quand elle comprit l’utilité potentielle de sa découverte au sujet des sacs détruits par ces larves, elle demanda à ce que son collègue participe à l’étude. Ils découvrirent que la cire est constituée de molécules liées de manière semblable à celles du polyéthylène. Il s’agit d’une chaîne répétée d’atome de carbone. Il n’est donc pas étrange que cette chenille puisse se nourrir aussi de plastique.

         Le « mécanisme » métabolique précis fera l’objet d’une étude future. Pour le moment, grâce aux tests actuels, on comprend que la décomposition du plastique n’est pas seulement due à un effet mécanique causé par la mastication des larves, mais bien à un processus chimique spécial. Par des analyses chimiques plus détaillées, il sera possible de découvrir quelle est l’enzyme ou la bactérie destructrice de plastique qui se cache dans le système digestif de la larve concernée.  



         Nous ne devons pas négliger non plus une autre découverte qui eut lieu en 2016, quand des scientifiques du Kyoto Institute of Technology, au Japon,  ont isolé une bactérie, Ideonella sakaiensis, capable de décomposer grâce à deux enzymes un polymère proche, le polyéthylène téréphtalate (PET) qui est la matière de très nombreuses bouteilles d’eau. Probablement, ce genre de processus biologique explique également l’action de la teigne de la cire. Malgré tout, le niveau de gloutonnerie diffère. Ideonella sakaiensis ne détruit que 0.13 milligrammes de PET en un jour, tandis que la larve de teigne de la cire mange le double de la quantité de plastique en une heure.

         Quels sont les applications effectives de ce projet de recherches ? On doit extraire l’agent de décomposition du plastique qui se trouve dans la larve. Il n’y aura pas besoin de grandes quantité de bestioles vivantes, d’autant qu’elles sont nuisibles aux abeilles dont le nombre diminue déjà dans le monde. Un problème restera à résoudre, celui des résidus de la consommation du plastique. Après le traitement biologique en question, il reste une quantité minimum d’éthylène glycol (substance toxique utilisée dans les antigels). Jusqu’à présent, le but était la décomposition du polymère. L’étape suivante sera de pouvoir le « recomposer » tout en produisant quelque chose d’utile, ou du moins sans danger pour notre santé.
Article de Cristina Cesella, correspondante en Italie, pour la revue d’information espérantophone MONATO et traduit en français par Luc Gouverneur. Avec leur aimable autorisation.          

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